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Kyôto – Kumotori Yama 雲取山

Mai 2014

 

Aujourd’hui, c’est randonnée. J’ai de la chance, il fait un grand beau temps. En espérant que cela soit de même au nord, dans les montagnes, car nous savons bien que là-bas, le temps peut très rapidement changer. Avec ce soleil, c’est donc avec plaisir que je me rends à Kumotori Yama.

 

Le trajet en bus dure environ 1h. En attendant le bus, je rencontre un papi qui fait ses étirements, en tenue de randonnée. Il m’aborde et me demande où je vais. Je me dis que, peut-être, il va au même endroit, mais lui va en fait plus loin. Nous nous séparons le temps du trajet, et il me fait signe juste avant l’endroit où je dois descendre, pour s’assurer que j’appuie bien sur le bouton, fort sympathique. Un petit truc qui m’a fait sourire : le bus est un bus qui « chante », une petite musique agréable en sort, on l’entend à l’intérieur, mais aussi à l’extérieur, et elle ne fonctionne que du moment où l’on quitte la ville. Nous avons traversé la ville jusqu’au nord, nous avons dépassé le village de Kurama, et nous sommes entrés dans la forêt. Quelle déception… Tout est détruit à quelques kilomètres de Kurama. Oui, tous les arbres, abattus, une désolation pour mes yeux et mon cœur… Quelle tristesse… Le bus continue, s’ensuit une terrible montée où l’on doit certainement rouler à 10km/h à peine. Puis nous arrivons en haut, et nous redescendons, au pas. Nous arrivons à un tout petit village, je suis fatiguée mais je garde les yeux grands ouverts à la vue de ce petit village perdu au cœur des montagnes. C’est ici que je descends.

 


 

Maisons traditionnelles de montagne, bien conservées, plantations… Un peu comme à Ôhara, mais en bien plus petit bien sûr. J’imagine que cela ne doit pas être tous les jours facile de vivre ici, si loin, surtout si l’on n’a pas de voiture. Je suis la seule à descendre ici. Mon chemin est tout droit, juste à la descente du bus, mais rien n’est clairement indiqué. Sur ma gauche, dans le jardin d’une maison atypique, un monsieur s’active. Je vais le voir et je lui demande confirmation, il m’affirme que c’est bon, et me voilà partie.

 

Je monte, doucement, le soleil au beau fixe. Sur ma route, je ne cesse de croiser de petites chenilles pendues à un fil, en plein milieu du chemin, et cela fait quelques semaines déjà. On dirait des vers à soie. C’est un peu énervant car on les voit au dernier moment, et on manque de très peu de se les prendre dans la figure. J’en croise une marrante qui se balance vivement sur son fil. Je me retourne, le regard vers le village : je peux admirer la vue sur les montagnes derrière. Enfin, je trouve une indication : un panneau indiquant le numéro 1, j’imagine que je vais devoir suivre ces panneaux pour arriver au sommet. Le chemin est pour l’instant magnifique, forêt et ruisseau sur ma droite à l’ombre, et herbe grasse et petits arbres fleuris sur ma gauche éclairés par les rayons du soleil. J’avance, puis je pénètre dans la forêt sombre. Le chemin n’est pas au top, parfois il me faut enjamber le ruisseau sur la droite, puis sur la gauche, enjamber les racines qui encombrent la route, mais tout est bien signalé et j’avance avec confiance jusqu’au panneau n°2 avec indiqué le prochain sommet, tout correspond à ma carte, tout est parfait. J’entame une montée de racines assez difficile, mais je la franchis sans trop de problèmes. Je m’amuse vraiment, la forêt est magnifique.

 


 


 


 

Jusqu’à ce que j’arrive à une intersection. Je regarde ma carte, j’avais prévu de prendre à droite, mais les panneaux d’indication indiquent tout droit. Cependant, il y a aussi un chemin à droite, ainsi qu’un chemin à gauche non indiqué sur ma carte, et les 3 chemins possèdent des signes de randonnée avec des bandes rouges accrochées aux arbres. Que  faire ? J’hésite longuement. Si je prends tout droit, il semble que j’arriverai vraiment rapidement au sommet, et j’ai plutôt envie de suivre l’itinéraire que j’avais concocté. Bien, je prends à droite. J’avance, je suis les signes, tout baigne. La montée n’est pas si facile, je galère un peu mais j’arrive soulagée en « haut ». Soudain, je ne comprends plus. Je suis censée arriver à une intersection, mais elle n’est pas claire. Sur un arbre, il y a bien le sommet où je vais d’indiqué, mais plus rien ne coïncide, le chemin descends dans une vallée et remonte, mais plus aucune indication. De plus, les typhons de 2013 ont beaucoup amoché la forêt, beaucoup d’arbres sont tombés, il me faut les enjamber et avant j’ai déjà perdu la trace de mon chemin à cause de cela, le retrouvant très vite cependant. Mon avancée est donc ralentie, je passe du temps à chercher par où je dois aller, chercher les signes rouges et jaunes. J’arrive à un chemin, et je me demande si je ne me suis pas trompée : si c’est le cas, je suis partie pour 1h30 de marche qui ne me mèneront nulle part à part sur une route sans bus loin de tout, et il me faudra 2h00 pour revenir. En contrebas, je trouve une maison, je descends dans la vallée, mais il n’y a personne. Je remonte tant bien que mal. J’hésite à rebrousser chemin, tant pis, quitte à repasser une heure dans l’autre sens. Je regarde ma boussole, qui m’indique tout de même que je semble être dans la bonne direction, mais le chemin serpentant… Je décide de continuer un peu sur 10-15 minutes et de voir.

 


 


 

Sage décision. En effet, quelques mètres plus loin, je trouve un panneau, et je croise d’ailleurs un monsieur qui randonne aussi, le premier jusqu’à maintenant. Les panneaux m’indiquent que je suis dans la bonne direction, je n’ai qu’à continuer tout droit pour aller au sommet. Ouf ! Me voilà rassurée. Je fonce. Certains très gros arbres se sont effondrés sur le chemin et il faut les enjamber aussi. Le chemin est vraiment escarpé et très mauvais. Je suis soulagée, mais j’ai eu  très peur et mon amusement a disparu. Je grimpe, je grimpe, je grimpe, distançant le monsieur âgé.

 

Me voilà finalement au sommet !! Youpi ! Je suis tellement soulagée. Une petite pause de 5 minutes, et au moment où je m’apprête à descendre, le monsieur arrive. J’hésite, il y a 2 chemins. Celui de droite m’indique la direction que j’ai prévu de suivre sur ma carte, mais le doute s’installe. Je comprends vite que c’est bien le bon, et je commence à descendre. Le monsieur semble perdu aussi, alors je remonte et vois avec lui. Son tracé à lui, c’est l’autre chemin, il semble rassuré et nous prenons congé. Me voilà dans la descente, et pas des moindres ! Une descente assez cossue, d’ailleurs des chaînes et des cordes ont été aménagés pour cela. J’ai d’ailleurs retrouvé les numéros, ils m’auraient donc fait monter par-là, et je peux vous assurer que je préfère descendre cet endroit que de le monter. Pourtant, je déteste descendre. Mais alors là, le chemin instable et difficile aurait été très dur à grimper.

 


 


 

Me voilà en bas. Sur ma gauche, le ruisseau, tout correspond, je suis contente. Mais tout n’est pas terminé. Je dois encore marcher jusqu’à Ninose, c’est mon planning. Je marche joyeusement. Quand j’arrive à une nouvelle intersection non notée sur ma carte ! C’est quoi le bins là ? Je ne comprends pas, et je bug un instant. Bon… Je décide de suivre le ruisseau, et je descends encore. J’arrive alors à une nouvelle intersection, la bonne cette fois, clairement indiquée par des panneaux. A gauche, je retourne au village, à droite je m’engage sur un nouveau chemin : c’est donc à droite que je prends. J’arrive ensuite à un petit village. Sur ma gauche tout d’abord un petit sanctuaire, pas des plus jolis, tout petit, mais dont l’accès se fait par un mignon petit pont et sous un bel érable aux feuilles verdoyantes. Puis je continue. L’endroit semble désert. J’approche une nouvelle intersection, ah non pas encore ! Mais c’est quoi le problème des intersections aujourd’hui ?!

 


 


 

Je prends à droite, pensant bien faire : et c’est la bonne. Ouf ! A ma droite, un nouveau petit sanctuaire dont l’entrée est interdite… Dommage. Je continue. Me voilà au cœur du village. Minuscule, la route très étroite laisse à peine de quoi passer une voiture. Beaucoup de maisons sont ouvertes, mais tout est désert, il n’y a personne. A certains endroits, des panneaux indiquent qu’il est interdit de rentrer. C’est froid… Très froid… Je traverse. J’arrive à un pont avec une intersection, les indications sont claires, je prends à gauche. Me voilà sur la route goudronnée, beurk ! Je monte. A ma droite, des travailleurs coupent le bois… Ici, tout est détruit à nouveau, la forêt est horriblement moche, abattue par les hommes ; je leur demande si je suis sur le bon chemin au cas où, ça semble bon. Je grimpe.

 


 


 

Il fait terriblement chaud. Je prends le virage, et soudain, une vision d’horreur… Un massacre. Total. La forêt a été totalement détruite sur le pan de colline à ma droite… Le tout entouré de grillages pour que les gens n’entrent pas… Je me sens vide, triste, désolée, peinée, malheureuse. Je continue de marcher. J’arrive au sommet indiqué sur ma carte, mais je ne trouve pas le chemin que je dois prendre, quittant la route. Finalement, je le trouve, mais les indications sont très mal faites, du coup j’hésite. J’attaque une montée du diable, et ce n’est qu’en haut que je comprends que je suis au bon endroit car des panneaux ont été installés. Durant la montée, j’ai longé ce terrain désolé, désertique, me rongeant le cœur avec effroi.

 


 

Il fait si chaud, j’ai soif, et très faim. Je me pose sur un tronc, et je grignote quelques chips, je bois un  coup. Je déteste m’arrêter. Je ne reste donc que 5 minutes, je ne mange que très peu, et me revoilà partie. C’est de la descente, je peux souffler. Mais la descente n’est pas si agréable que cela. Cependant, j’arrive à un magnifique point de vue, puis je  rentre à nouveau dans la forêt. Puis ce qui m’attend va m’émerveiller…

 


 

Me voilà au beau milieu d’arbres magnifiques, imposants, et certainement très vieux. Je fais comme les japonais et je vais en enlacer un. Cet endroit me laissera rêveuse, pas encore détruit par l’être humain (et jamais je l’espère). Je continue la marche. Enfin, j’arrive à une intersection, et je vois le panneau « Ninose », je continue donc tout droit. J’ai encore un sacré bout de chemin, mais à partir de là tout devient beaucoup plus agréable et plus gai qu’à la montagne Kumotori. Le chemin est dégagé, il semble être plus utilisé, et une belle vue sur la colline d’en face, avec des dégradés d’arbres de différentes couleurs de vert, me fait sourire. En route, un oiseau – un pivert semble-t-il – s’énerve. Je l’entends piailler violemment au-dessus de ma tête, certainement que j’entre dans son territoire. J’accélère la marche pour ne pas le déranger plus. Mais alors que je me suis éloignée, il revient à la charge et se perche au-dessus de moi en me grondant toujours plus. Je m’excuse encore, m’éloignant. Enfin, je l’entends s’arrêter, je suis sortie de son périmètre.

 


 


 


 

C’est alors que je croise 2 papis. Je les salue, et l’un d’eux me regarde avec de grands yeux. Je peux imaginer son « Que fait une étrangère, seule, dans ces montagnes ?! ». Il s’arrête et se met à me parler. Nous échangeons un peu. Puis d’un coup, il me dit « vous n’avez pas de bâton ?! » je réponds que non, que tout va bien sans. Mais il insiste en me disant que plus loin c’est dangereux, qu’il m’en faut un. Il se penche, prends le premier bâton à ses pieds, et me le tends. Je déteste avoir un bâton en main en randonnée, cela me dérange, mais j’accepte face à tant de bienveillance. Je le remercie, et m’éloigne. J’hésite à jeter le bâton plus loin, mais par respect pour lui et en me disant qu’il se pourrait qu’il s’agisse d’un signe, je le garde et je continue ma marche. En chemin, mon regard se pose avec joie sur un rayon de soleil qui perce à travers les arbres et l’obscurité, permettant à des fleurs d’un mauve pâle magnifique de pousser. Quelle vision splendide ! J’en reste pantoise face à tant de beauté. Peut-être suis-je trop émotive, mais j’apprécie ce que la nature nous offre. C’est important.

 


 

Le chemin monte à nouveau, et j’arrive à un sommet : Kibune Yama, 700 mètres. C’est là que je croise un peu plus de monde : un jeune couple dans le sens inverse, un couple d’une quarantaine d’années qui mange des râmen grâce à leur réchaud – assis sur un tronc – et un papi seul avec ses cloches qui tentent largement plus fort que les 2 miennes réunies et qui porte sous sa casquette une serviette qui pend de part et d’autre sur sa tête, et qui marche à une très bonne allure, en sens inverse aussi. En parlant de serviette, au Japon il fait très humide et quand je randonne, c’est jamais sans ma serviette aussi, que je porte autour du cou comme beaucoup de randonneurs japonais : le peu de fois où je l’ai oubliée, je l’ai regretté je vous le dit.

 


 


 

Je descends, et j’arrive à l’intersection. Je peux bifurquer à droite pour aller à l’autre sommet de Kibune Yama, à 699 mètres, ou continuer sur ma gauche et rentrer. Je suis en forme, et j’ai envie de voir ce qu’il y a. Je prends donc à droite. La montée m’achève car mon corps s’est épuisé avec les heures de marche. J’hésite à rentrer, mais je persiste, allez encore un petit effort ! A un virage, je suis soudain comme éblouie : la forêt dense et les rayons du soleil créent une sorte de lumière de poussière, une vision magique qui s’offre à moi, et qui m’oblige à m’arrêter pour admirer cet endroit. Wow… Rien que pour ça, je suis contente d’avoir continué. Je reprends la montée, dur dur. J’arrive à l’intersection, je monte au sommet. Balèze, je n’en peux plus. Ouf… en haut… Et il n’y a rien. Rien du tout. Juste un panneau, et un sommet au milieu de la forêt. Pas grave, je suis heureuse quand même ! Je redescends. Je me retourne une dernière fois après le virage pour admirer une dernière fois ce nuage de poussière assez étonnant, et je descends. Et je peux vous dire que durant la montée et la descente, j’ai été plus qu’heureuse d’avoir mon bâton ! Finalement…

 


 


 

J’arrive à une dernière intersection : à droite, au milieu ou à gauche, ma  carte semble me dire que le chemin le plus facile est au milieu bien que celui de droite y mène, mais les pointillés indiquent un chemin plus dur ; le monsieur aux grelots et à la serviette sous la casquette arrive à ce moment là. Je lui demande confirmation, il me montre le chemin de gauche, et s’en va à droite. Ok… Bon… Faisons-lui confiance. Je prends à gauche. S’ensuit une longue descente dans l’obscurité. Ce n’est qu’au bout, lorsque j’aperçois le sanctuaire, que ma randonnée touche à sa fin. J’aurais offert la liberté à mon bâton avant d’arriver en ville, le rendant à la nature. J’arrive donc au petit sanctuaire de Ninose, rouge, vieux, sobre, mais beau, surtout après plus de 6h de marche. Je suis épuisée, et je m’assois un peu.

 


 


 

Je me dirige ensuite dans le village, une découverte magnifique pour moi. J’adore cet endroit… La rivière passe sur les bords, et l’intérieur est magnifique. J’en fais le tour. Je croise une mamie qui s’occupe de son potager et me salue. Je visite tranquillement les recoins. Un petit train passe, tant pis je prendrai le suivant. Je décide de grimper plus haut, et je marche dans toutes les ruelles du village. Quand enfin j’ai tout visité, je m’en vais attendre mon train. Quelle chance, il arrive dans 5 minutes, top chrono ! Je l’attends avec 2 jeunes enfants qui me regardent d’un air étrange, se demandant certainement ce qu’une étrangère fait à cet endroit. Le train arrive, et tous les regards se braquent vers moi. Oui, et ? 2 papis aussi ne cessent de m’observer, j’avoue que voir une étrangère en tenue de randonnée venant des montagnes de Kitayama, ça ne doit pas être monnaie courante. Bref… Je suis affamée, et je mange enfin un peu plus.

 


 


 


 


 


 

Nous arrivons à bord. Je me lève, et j’attends patiemment. Un japonais m’alpague alors, très curieux, me demandant ce que j’ai fais, si je parle japonais, si j’habite à Kyôto… Puis nous prenons congé. Je prends mon autre train, et je rentre à la maison. Enfin, je vais pouvoir reposer mes jambes lourdes. Mon corps est certes fatigué, mais c’est une bonne fatigue, et mon esprit est reposé et se sent bien.

 

La randonnée, c’est comme une méditation. C’est un travail, un effort constant, une difficulté à surmonter, un challenge. Mais si l’on croit en soit, on y parvient. Et j’y crois. A chaque fois, j’y crois, et je fonce. A chaque fois, j’en ressors plus forte et prête à repartir. Cette randonnée ne fut pas ma préféré, surtout à cause de l’angoisse lors de l’ascension au mont Kumotori, mais j’en garde un bon souvenir. Je la déconseillerai cependant à un néophyte, non pas par difficulté, mais par risque de se perdre ou de se blesser. Mais si vous y allez, enjoy !

 

Intégralité des photos : ICI

 


 


 




26/06/2014
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