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Kyôto - Atago Yama : Sennichi Tsuyasai 愛宕山 - 千日

31 juillet 2014

 

Pas de repos pour les guerriers !!! Comme on dit. A peine rentrée de Hokkaidô, dès le lendemain, je m’en vais grimper le mont Atago que j’affectionne tant (le mont Atago, et le Atago Jinja, et clairement mon endroit préféré à Kyôto). Mais pas une grimpette de base : j’y vais de nuit, et je ne serais pas seule. Oh pas seulement accompagnée de Edouard et Tomoyuki un ami japonais, mais aussi accompagnée de centaines de grimpeurs, de tout âges. Et oui ! C’est un jour spécial dans l’année, puisqu’il s’agit de Sennichi Tsuyasai.

 

Tous les ans, le 31 juillet à partir de 9h du soir, des centaines de personnes font l’ascension du mont Atago jusqu’au sanctuaire. C’est un événement très, très important, et surtout pour les enfants de moins de 3 ans : en effet, ceux-ci doivent faire l’ascension avant d’avoir 3 ans afin d’être protégé du feu pour la vie. On voit donc beaucoup de parents avec des tous petits qui dorment dans le sac dans le dos, du papa plus souvent. Beaucoup de courage aussi pour les parents ! Faire l’ascension permet aussi de se protéger des incendies pour 1000 jours.

 

Après avoir mangé des râmen et s’être baladés dans Kyôto, nous avons pris le train jusqu’à Arashiyama dans la soirée. Là-bas, un bus spécial était réservé pour les randonneurs, nous menant jusqu’au village de Kiyotaki (que j’affectionne aussi particulièrement, à voir surtout en automne c’est un paradis sur terre). La randonnée démarre donc depuis ce village. Nous étions les premiers dans la file, et tant mieux car nous avons pu nous asseoir dans le bus, qui s’est retrouvé complètement blindé à 9h passé du soir !

 


 

Nous y sommes. Nous descendons du bus, et nous marchons sur la route depuis le parking jusqu’au village. De nuit, celui-ci est encore plus joli. Les maisons traditionnelles sont comme changées. Le seul restaurant du village est ouvert et très animé. Devant le torii de marbre qui marque le point de départ de la randonnée, sont rassemblés des tas de personnes, qui se prennent en photo, ou se préparent à faire l’ascension. Allez, c’est parti ! Il est 22h et nous venons de passer le torii, en moyenne il faut 2h pour grimper jusqu’en haut. Avec Edouard, nous sommes toujours plus rapides, mais pour Tomoyuki il s’agit de  sa première vraie randonnée, aussi longue et aussi raide puisque le mont Atago fait 924 mètres avec largement 500 mètres de dénivelé, et notre ami n’a jamais grimpé de collines de plus de 300 mètres. Nous allons donc marcher sur environ 4 kilomètres au total.

 


 


 

Tout le long, le chemin est éclairé par des lumières. En montant, les gens qui descendent nous disent tous « O nobori yasui », et nous leur répondons « O kudari yasui ». Ceux qui descendent nous encouragent donc pour la montée « Noboru = grimper », et « Yasui = facile », en gros cela signifie « Que la montée soit aisée ». Et pareil pour l’autre « Kudari = descendre », donc « Que la montée soit facile ». En gros. C’est un bon moyen de s’encourager mutuellement. Mais j’avoue que dans la montée, je ne suis pas fan de ces petits encouragements à balancer à tout va : dur de marcher, respirer, et balancer des centaines de fois cette phrase pourtant simple. Alors de temps en temps, je la zappe. Ou alors elle est un peu moins enthousiaste. Le tout début de la montée est le plus dur. Je connais la randonnée par cœur, c’est la troisième fois que je fais l’ascension. Je marche vite, tout en prenant mon temps, à mon rythme quoi. Mais avec tout ce monde, ce n’est pas si simple et on se retrouve souvent coincé derrière des gens qui marchent plus lentement. Je tente alors de les doubler, mais si trop de monde est en train de descendre à ce moment ou si le chemin est trop étroit, je dois attendre et prendre mon mal en patience, marchant derrière à pas d’escargot. C’est très désagréable, et en général il m’arrive de courir pour vite doubler, et me retrouver devant pour marcher à nouveau à mon propre rythme. Tomoyuki gère bien finalement, il suit et cavale bien. Edouard aussi a l’habitude de cette randonnée, pas de soucis, il gère sans problème de toute manière il a l’entraînement.

 


 

Nous sommes arrivés à la première intersection, beaucoup de gens font une pause ici. En fait, il y a des terrains de pauses où les gens sont tous arrêtés, assis, buvant, mangeant, papotant, se reposant… Mais nous ne faisons aucune pause, si on s’arrête on se refroidit et après c’est plus dur de repartir. Nous avons mis 1h jusqu’à l’intersection, 10 minutes de moins que les fois d’avant, c’est une bonne nouvelle. Nous avons encore du chemin, et nous continuons la grimpette, pas question de se relâcher. Enfin, après 30 minutes, nous sommes au sanctuaire. On pourrait croire que c’est bon, mais il reste encore la montée du feu de Dieu, toutes les marches jusqu’en haut, et c’est coton ! Hop hop hop, on marche bien, et nous voilà tout en haut.

 


 

Parce que la randonnée est particulière, que c’est un événement important, et qu’on vient de fournir un bel effort pour parvenir jusqu’ici, la moindre des choses est de se purifier avant d’entrer dans le sanctuaire, ce que nous faisons. Enfin, nous entrons. Un monde fou y est entassé, il faut se frayer un chemin. Pour aller prier, c’est pareil, il faut faire la queue tant il y a de monde. Nous faisons donc la queue, jusqu’à arriver près du Kami. Enfin. On sonne la cloche, deux courbettes, on tape 2 fois des mains, et on remercie le Kami/prie. Une ultime courbette et on laisse la place aux autres derrière.

 


 


 


 

Je ne cesse d’admirer les sculptures en bois du sanctuaire, tout comme l’autre fois, cela m’impressionne, me laisse bouche bée. Et puis, on se sent tellement bien après une telle grimpette, là, on a réussi. Finalement, le monde peut gêner, mais ça fait aussi parti du truc, c’est une super ambiance, tout le monde se soutien, tout le monde a fourni le même effort, femmes, hommes, enfants, personnes âgées, familles, couples, amis, solitaires… tout le monde a fourni ces efforts, a marché dans les pas des autres, a soutenu et été soutenu, physiquement et moralement, e t nous voilà tous, regroupés, fatigués, mais heureux. Il est en effet 23h30.

 


 


 

Nous allons au fond du sanctuaire pour voir les autres autels. Au fond, l’odeur du bois est très forte, et c’est enivrant, j’adore. Tomoyuki nous dit qu’il s’agit là d’un très, très vieux bois, que la vieille maison de sa grand-mère a la même odeur. Je pourrais rester là tellement j’aime ce parfum. Mais nous retournons au centre. Nous cherchons un endroit pour se poser. Certains dorment sur le sol, beaucoup sont assis, de partout, mangent, se reposent, ont les yeux clos, papotent, rigolent, boivent… Nous nous installons dans le couloir du sanctuaire et prenons notre repas. Nous sommes trempés, même à cette heure-ci il fait tellement chaud et humide que tout le monde est totalement trempé. D’ailleurs au Japon, ne vous baladez jamais sans votre serviette, c’est super utile ! Aucun japonais qui randonne ne l’oubliera, je peux vous l’assurer. Je ne l’oublie plus non plus !!

 


 


 


(Tous étaient impressionnés par ce tableau, très, très vieux)

 

Nous sortons le pique-nique, et je sors la fameuse boite : les gâteaux que m’a préparé Hisae le matin de mon départ. En hiver, elle m’avait fait 2 fois du gâteau et j’avais adoré. Elle le savait et voulait en refaire, mais n’a pas eu le temps. Alors, le matin de mon départ, elle s’est démenée pour m’en faire. J’étais très émue ! De plus, comme je lui avais ramené de la fleur d’oranger, elle a ajouté l’ingrédient à sa pâte. Bon, par contre elle croyait que le trou était petit et a en gros renversé une bonne partie du flacon !! Mais comme j’adore, ça ne m’a pas dérangé. Au contraire, j’ai trouvé le gâteau exquis, délicieux ! Nous avons donc, tous les 3, dégusté le gâteau de Hisae, tout en haut du mont Atago à 924 mètres d’altitude, au-dessus de Kyôto, au cœur de la nuit, en présence des Kami. Une magnifique occasion ! Merci, merci Hisae.

 


 


 

Puis nous sommes restés un petit moment à nous reposer. Oui, mais c’est qu’au sommet, il fait plus froid qu’en bas, que nous sommes trempés, et que maintenant notre corps se refroidit. Nous commençons donc à avoir sacrément froid, nous n’avons rien pris pour nous couvrir. Nous décidons donc de repartir, il est déjà minuit passé. Nous nous arrêtons quand même faire la queue aux stands pour récupérer un mamori. Les gens qui font l’ascension achètent bien souvent un papier de protection contre les incendies qu’ils collent dans leur maison. Nous descendons les marches du sanctuaire, adieu Atago Yama ! C’était la dernière fois que j’en faisais l’ascension. Puis nous descendons par le chemin, cette fois à nous de dire « O nobori yasui », et c’est plus facile ! Je ne crois pas avoir loupé une seule personne, et je ne saurais donc vous dire combien de fois je l’ai dis !!

 


 

La descente est plus dure. Beaucoup de gens vont très doucement, cela m’agace, je me retrouve souvent à cavaler pour les doubler, courant finalement plus que ne marchant. En plus, je n’aime pas vraiment les descentes. Tomoyuki était super content de descendre, mais arrivé en bas il m’a dit que, finalement, la montée c’est mieux ! En effet, la descente de Atago Yama est quand même balèze, avec toutes ces marches c’est vraiment désagréable, ça tire de partout, ça fait des chocs dans les genoux… Pas cool.

 

J’ai fini par courir comme une folle jusqu’en bas, et je me suis arrêtée donc sur la place de Kiyotaki après avoir repassé le torii, avec les autres qui faisaient une pause aussi. Edouard et Tomoyuki m’ont ensuite rejoins, on a bien bu et on s’est posés un instant. Ici, il fait carrément chaud ! On repense au sommet, finalement c’était pas mal en haut ! Pas de risque d’avoir froid ici… Tranquillement, nous retournons au parking des bus.

 

Pas de chance… Il est 2h du matin, et il va falloir attendre le bus de 5h30. En fait je voulais commencer la randonnée plus tard, vers minuit, pour arriver à 4h sur le parking et attendre le moins possible, mais Tomoyuki était inquiet comme il s’agissait de sa première randonnée et préférait partir plus tôt au cas où il trainerait ou ferait de nombreuses pauses, mais finalement il a été au top. Nous nous asseyons sur le banc de l’arrêt de bus avec les 3 personnes déjà là (dont un monsieur qui dort profondément assis), et nous attendons. Nous tentons de dormir… C’est dur. Tomoyuki y parvient, un vrai japonais. Edouard pas du tout, moi un peu. Vers 4h, le soleil se lève. De plus en plus de gens arrivent. Beaucoup optent en fait pour le taxi : 6 taxi arrivent, et les gens font la queue pour monter, une longue, très longue queue. Les 6 taxi s’en vont, et 5-10 minutes plus tard 6 autres arrivent, et ainsi de suite toute la nuit jusqu’à la venue du premier bus qui nous ramène tous à Arashiyama.

 

Nous sommes épuisés. Sales. Nous avons de petits yeux rouges de fatigue. Des cernes. Nous sommes encore humides. Mais nous sommes heureux, et nous nous sentons bien. Il nous faut encore prendre le train, puis marcher 30 minutes jusqu’à la maison avec Edouard. A l’arrivée, il est donc 7h du matin. Ni lui ni moi ne dormons, c’est mieux ainsi. Après une bonne douche, une bonne journée, et une petite sieste dans l’après-midi. J’irai ensuite prendre un bon macha à Mamichi en début d’après-midi pour me donner du peps.

 


 

Voilà, l’ascension est terminée. Une très belle aventure, à nouveau. A vous qui serez à Kyôto le 31 juillet des années à venir, allez faire l’ascension avec tout le monde, vous ne serez pas déçu.

Et à partir de l’année prochaine, le 10 août sera un jour férié au Japon, considéré comme étant le jour le plus chaud de l’année, il deviendra le jour de la montagne, et tout le monde est invité à grimper aux sommets des collines et montagnes en ce jour d’intense chaleur.

 

Randonneurs, je vous salut !



14/08/2014
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