Retour au Japon, destination Kurama. Kyôto et Shukubo
Mardi 22 mai, second jour sur Kyôto.
J'ai savouré ma nuit en chambre, avec un lit confortable, car je sais qu'à partir de demain, mes conditions de vie seront bien plus simples. Car en effet, dès demain, je me mets sur la route de Kurama, et donc 8 nuits en tente, 9 jours en extérieur. Pas de bonne nourriture, pas de bon lit douillet, pas de bonne douche chaude...
Au matin (j'ai profité d'une grasse matinée, levée à 9h), mon sac de randonnée était fin prêt, minutieusement préparé. Tente, duvet, réchaud, cartes, alcool à brûler, nourriture, frontale, etc... J'étais prête ! Dans ma valise, des vêtements de rechange qui m'attendraient à mon retour, histoire d'être un minimum convenable pour profiter d'un peu de Kyôto avant de repartir, ainsi que des cadeaux venus de France pour mes amis.
Je m'étais assurée, le jour d'avant, d'affronter la cohue dans les magasins de Kyôto afin de me ravitailler en nourriture (en gros... du riz !), en alcool (à brûler, ça va je suis pas une pochtronne non plus ^^), et en cartes de randonnée.
Pour la petite histoire, j'ai aussi dû me ravitailler en... imperméable !!! Car oui, il s'agit d'un des éléments le plus important de mon périple mais... en partant, juste avant d'embarquer dans la voiture, je l'ai lâchement abandonné (contre mon gré cela dit) sur la table de la cuisine... Ou oublié si vous préférez. Arrivée à l'aéroport, je m'en suis rendue compte mais... trop tard !! Plus le temps de faire demi-tour... En réalité, j'aurais eu le temps car mon avion a eu une heure de retard, mais ça, je ne le savais pas. Donc, lundi, avant mon périple, obligée d'aller à la recherche d'un imperméable parce que je sais que mercredi (donc le lendemain, ou 1er jour de randonnée), le temps sera abondant en pluie. Et si je suis trempée la journée, passer la nuit sera bien difficile...
Je me dirige donc vers une boutique (heureusement, que je connaissais grâce à ma vie Kyôtoite) dans l'immense Yodobashi (magasin de Caméra et autres de 6 étages ou plus je ne sais même plus), et je me perds dans ce dédale... Où est cette boutique ?! Je finirai par la trouver, non sans peine donc, et me voilà à la recherche d'un impérméable "cheap" (parce que j'en ai 2 de très bonne qualité à la maison, donc pas besoin d'en acheter un cher) et qui me serve pour un périple court. Je demande le moins cher après avoir parcouru (les yeux exorbités) les prix des différents imperméables proposés en magasin, le voici... le moins cher... 10,000Yen, ou... 75€... (hors taxes !). Bon, j'ai envie de pleurer, mais... ais-je le choix ? Allez, positivons, il servira bien ! C'est sûr ! Il n'a pas toutes les poches bien utiles de mes autres imper', il a l'air bien plus léger et de bien moins bonne qualité mais... il fera l'affaire ! Au pire, je le revendrai... Bon, et malgré tout, comme je suis une touriste, je ne paye pas les taxes. Positif positif !!!
Bon, donc le mardi, rendez-vous à 11h avec un ami, à la gare de Kyôto. Je m'y dirige. Ah et j'ai omis de vous dire qu'à la gare, j'ai finalement réussi à capter du wifi (ainsi que dans ma chambre), donc j'ai pu utiliser mon smartphone pour me mettre en contact avec tout le monde, ce qui n'était quand même pas du luxe je dois l'avouer (oui oui, je m'incline, Whatsapp et Messenger, c'est quand même vachement pratique !). Donc j'attends, à un coin où le wifi passe, dans la cohue et le bruit incessant... C'est pourtant bien connu, les japonais sont toujours en avance, et mon ami japonais m'avait dit qu'il serait, comme tout bon japonais qui se respecte, à l'heure voire même en avance. Oui, mais je reçois un message, il sera là à midi. Et attendre 1h dans le hall de la gare bondée et hurlante, ce n'était pas trop mon truc. Donc, je lui ai soumis mon intention de l'attendre au temple "Higashi Honganji", à 5-10min à pied de la gare, temple que je connais bien, gratuit et fort paisible.
Je m'en vais mettre mon sac à dos dans un "Coin Locker" (un casier payant dans lequel on peut mettre ses affaires pour un jour ou un peu plus), et avec ma valise (que je dois mener à la guesthouse qui m'hébergera après mon périple), je me dirige vers le temple, bien décidée à aller pratiquer Zazen (méditation) en attendant mon ami.
En arrivant au temple, sur les murs, je vois un message qui me frappe. Tout écrit en japonais, avec sa mauvaise traduction anglaise, une sorte de "devise" du temple.
今、いのちがあなたを生きている
Cela me saute aux yeux, me fait sourire, et renforce ma respiration consciente. Je vous le traduis à peu près ? Car si vous parlez japonais, cela devrait vous sembler évident (et si vous vous intéressez à la philosophie bouddhiste encore plus), mais sinon la traduction peut sembler fade. Donc en gros :
"Maintenant, tu es en train de vivre ta vie."
Si on se penchait à la grammaire plutôt ? Pour mieux comprendre ?
Le premier kanji, "ima" (今), signifie "maintenant". Il souligne, avec la virgule derrière, l'importance du PRESENT. De l'instant présent, en gros. La virgule vient mettre l'accent sur l'importance de ce "maintenant".
Ensuite, "inochi" signifie la "vie", mais ce terme a une signification bien plus profonde, qui souligne les valeurs et l'importance du respect de la vie. Quand j'entends le terme "Inochi", je peux sentir quelque chose de profond qui vibre.
Ensuite, "Anata" (あなた) signifie "tu, toi, vous", suivi d'un mot de liaison qui renforce l'idée de "c'est toi qui".
Puis, pour finir, "Ikiteiru" (生きている), le verbe "vivre". En français, nous n'avons qu'un seul présent, mais en japonais il y a 2 présents, celui qui est constant, et celui qui est actuellement en train de se passer (comme en anglais, par exemple : je vis ; je suis en train de boire = I live ; I'm drinking), si cela peut vous aider à comprendre. Donc c'est comme si, plutôt que de dire "je vis" (ou "I live"), je dis "Je suis en train de vivre" (I'm living). Est-ce que cela vous aide à comprendre l'importance de la syntaxe de cette phrase ?
Je le souhaite.
(Je n'ai pas en photo le mur où cette citation est notée, j'avais oublié mon appareil photo ce jour, et j'ai pensé après, en chemin, que mon smartphone pouvait prendre des photos ; sur le trottoir le long du temple, il y a plein de citations philosophiques comme celle-ci)
C'est donc avec cette citation en tête que j'ai franchi le pas de la porte du temple de l'école "Jôdo Shinshû" (Ecole Véritable de la Terre Pure), l'esprit calme et reposé.
En bas du temple, il y a des cadenas où on peut attacher les valises et les poussettes. En France, laisser sa valise attachée et aller se balader dans le temple, c'est même pas imaginable (adieu gentille valise...). Ici au Japon, no soucy ! A la rigueur, je m'inquiète plus d'éventuels étrangers se baladant dans le coin et apercevant ma petite valise toute seule... Mais je me rassure, je la laisse, et je rentre dans le temple.
Enfin... Cette odeur d'encens que j'aime tant... Enfin, le contact avec le sol en bois des marches du temple, et de l'entrée de celui-ci... Enfin, le doux tatami sous mes petits pieds. Je m'installe, d'abord en Seiza. Puis il est temps... de méditer. Puis, quelques instants après, un moine entre dans la partie privée, avec d'autres personnes. J'ai de la chance... Il leur a récité des sutra, et j'ai pu m'imprégner de cette atmosphère si spéciale et prenante. Là, dans le temple, assise en lotus, écoutant les sutras, j'ai médité et retrouvé le calme. Quand la cérémonie fut terminée, tout était si silencieux. Je me suis demandée comment, dans une telle ville, on pouvait avoir un tel changement, entre les trains et métros bondés, des gens pressés qui courent, et ces petits coins de temples si calmes où le temps semble s'arrêter. Je ne sais que trop bien - pour y avoir vécu - combien la tradition et la modernité se mixent, combien les temps modernes et les temps anciens sont différents. Mais j'en suis toujours surprise, et aujourd'hui plus que jamais.
Finalement, étant donné qu'il est midi passé, je décidé de quitter la salle, et d'aller au devant de mon ami. Je sors, et le voici, en bas des marches. Intuition... ?! Et voilà, encore une douce rencontre. Mon ami, que je n'ai pas vu depuis 4 ans. Un ami qui m'est très cher lui aussi, et que 4 ans d'éloignement n'ont pas su détruire notre amitié. Cela me fait plaisir de le revoir ! Le Higashi Honganji, il n'y est jamais allé. Nous avons donc visité le temple ensemble, nous posant sur les tatamis des deux lieux accessibles au publique.
Puis nous avons pris la route, direction Gojo, ma Guesthouse. Ils ont été tellement adorables, ils ont accepté de garder mon bagage pendant mes 10 jours d'absence, et ce gratuitement ; si je l'avais laissé à la consigne de la gare de Kyôto, cela m'aurait coûté 70€, pour garder quelques vêtements de rechange, j'avoue que cela me peinait un peu.
A pied, nous avons donc pu longtemps discuter en chemin. Nous nous sommes restaurés en route et, à nouveau, j'ai pu savourer mon repas en pleine conscience, sachant pertinemment qu'il ne se reproduirait pas, tout comme cette nouvelle rencontre avec mon ami que j'ai, comme hier, chérie.
Il nous restait du temps. J'avais informé mon ami qu'il me fallait absolument être à 19h30 au plus tard à mon logement du soir, car il s'agit de la dernière admission. Après... je suis à la rue ! Timing en tête, il m'a emmené un peu plus au nord de Kyôto pensant qu'il y avait peut-être un évènement à l'association française de Kyôto. Pas d'évènement, dommage. Nous avons tout de même longtemps rattrapé ces 4 années. Le temps s'est arrêté... Car en effet, ma montre a pris une heure de retard. J'étais paisible, quand d'un coup sur mon téléphone je vois affiché "6h", je vérifie ma montre "5h", euh... Il est bel et bien 18h ! Et... il me faut tout redescendre car j'ai laissé mon sac à la gare, puis je dois prendre le train pour Arashiyama. Cela va être chaud d'arriver à l'heure. Nous partons un peu précipitamment.
Je suis très "peace" dans ma tête, vraiment zen et posée. Du coup, je sais que je vais être juste, mais je ne me presse pas intérieurement, bien que nos pas soient plus pressés. Je vois mon ami perturbé, mais moi je suis calme. Ce n'est pas grave... Je pense. Jusqu'à ce qu'il m'annonce que la sortie de métro la plus proche est à environ 20min de marche, et qu'ensuite le train de Kyôto à Arashiyama me prendrait environ 30min, sachant que mon logement est ensuite à 15-20min de marche.
Là, mon cerveau a commencé à réaliser que... je n'allais pas être à l'heure. Et si cela arrive ? Je vais devoir trouver un endroit où aller planter ma tente, dans la nuit... Oops ! Et j'avais tellement hâte d'aller à ce logement... Que mon coeur se met (finalement) à s'emballer. Il me dit que je peux courir jusqu'à la station de métro, que j'irais plus vite sans loin. Nous nous quittons donc ainsi.
Me voilà en train de courir sur les trottoirs de Kyôto, pour atteindre le métro. Il semble si loin... Ma course est interminable. Mon souffle se coupe, j'ai mal à la gorge, j'ai mal aux poumons, j'arrive plus à respirer. Je suis obligée de faire des pauses, j'ai trop couru, je n'ai pas l'habitude. Puis je cours à nouveau, je n'ai pas le choix... La panique s'empare de moi et mon Ego commence à me chuchoter à l'oreille "Tu vois, t'y arriveras pas. Jamais t'y seras à l'heure. Abandonne.", mais une petite voix, l'espoir, me dit "Cours ! Donne tout ce que tu as ! Tu peux le faire ! C'est sûr tu peux le faire ! Et si ça marche pas, au moins t'auras essayé, pas de regret. Crois en toi, vas-y !"
Alors j'ai couru, couru... J'ai atteint la station de métro, j'ai payé mon ticket en 4ème vitesse (oublié l'instant présent pour le coup), descendu les escaliers en trombe car le métro s'apprêtait à partir, et j'ai volé à l'intérieur, juste avant que les portes ne se ferment. Là, le cerveau mathématique s'est mis à calculer l'heure d'arrivée, et mes chances de "survie". Impossible de l'arrêter, ce vilain cerveau reptilien ! Qu'importe, je ne peux plus rien faire que d'attendre, et respirer.
J'arrive à Kyôto. Je cours comme une dingue, je vais chercher mon sac à dos, et je cours ensuite au train JR. Je prends mon ticket comme une folle, et je passe les portiques. Plutôt que de chercher sur quel "track" je suis, je demande cash à un contrôleur "C'est où le train pour Arashiyama ?" à moitié essoufflée, transpirante, épuisée. Il m'indique le numéro, je prends juste deux secondes pour lui demander combien de temps ça prend, il me répond "15min", et me voilà à courir au "track" N°5. Je m'élance, non que dis-je, je vole ! D'autres japonais courent aussi à mes côtés, ohhh puré ça veut dire que le train va partir ! Je m'épuise, et j'y suis... !
Par acquis de conscience, je redemande au contrôleur combien de temps le trajet prend jusqu'à Arashiyama (j'ai de la chance, ce train est un rapide et non un local cette fois !), il me dit "12-13min". Et là... Je peux respirer, souffler... Le train est blindé, je rentre avec mon sac à dos en essayant de ne taper personne, et je reprends mon souffle. Mon cerveau calcule... Oui c'est bon, j'y serais à l'heure ! OUF !! J'essaye de capter le wifi pour rassurer mon ami japonais à qui j'ai, dans le métro, envoyé un message pour lui demander de prévenir mon hébergement de mon retard, mais impossible, ici pas de wifi.
Alors, pendant le trajet, je prends mon courage à deux mains, 3 jeunes filles japonaises discutent à côté de moi, je les aborde et je leur demande si je peux envoyer un message à mon ami pour le prévenir. Elles me proposent de l'appeler, mais je tombe sur sa messagerie. Je lui envoie un message, et me voilà pleinement rassurée.
Finalement, je suis à Arashiyama, à l'ouest de Kyôto (j'en ai fais de la route !). Carte en main, je me mets en direction de mon hébergement. Bien sûr, je me perds un peu... La carte est moyen précise haha ! Je demande mon chemin à des passants, et je trouve enfin le lieu.
(Il n'est pas juste de dire que la joie apparaît parce que la tristesse disparaît)
Alors maintenant, je sais ce que vous pensez.
Mais c'est quoi cet hébergement ?? Pourquoi elle se précipite ainsi pour arriver si tôt ? Pourquoi ne peut-elle pas arriver plus tard ?
Eh bien car pour cette nuit, j'ai réservé une nuit dans un Shukubo...
Késako ?
Un temple. Celui-ci est de l'école Rinzai (une des écoles Zen) et se nomme Rokuô In (鹿王院). On nomme "Shukubo" car cela signifie "dormir chez les moines". J'étais donc ravie de dormir dans un des temples de Kyôto... J'aurais aimé y arriver plus tôt, vers 17h, pour y pratiquer la méditation dans les jardins et me poser. Mais ma rencontre avec mon ami m'était précieuse aussi, je ne regrette pas.
Je suis arrivée, la nuit était presque tombée. J'ai pénétré l'enceinte, et marché sur le chemin pavé de pierres au centre, entouré de murs typiques des temples, ainsi que d'arbres couvrant le chemin au-dessus et de part et d'autre du chemin, et de toute cette mousse jonchant le sol et les roches... Quelle merveille... Malgré l'heure avancée, j'ai pris le temps de savourer cet instant présent, cette entrée dans ces lieux, pris le temps d'y ressentir l'énergie qui s'y dégageait.
Je suis entrée, je me suis déchaussée en saluant, et une japonaise est venue me voir. Je me suis présentée, elle m'a fait remplir un petit papier, et m'a guidée vers ma chambre. Elle m'a annoncée que nous étions 3 dans cette chambre. Une jeune japonaise était déjà présente, je suis entrée en saluant, et l'hôtesse du temple m'a demandé de la tenir informée lorsque je quittais le temple pour aller au bain. Elle a pris congé, et j'ai fais les présentations avec ma colocataire, douce et timide, parlant peu mais toute gentille. J'ai installé le futon avec son aide et ses conseils, dans la pièce attribuée aux lits (les chambres sont divisées en 2 pièces, l'une pour les lits, l'autre avec une table et des coussins au sol avec un set de thé). Puis ma seconde colocataire est entrée à son tour et nous a salué, une japonaise d'une quarantaine d'années peut-être, qui parlait fort et qui semblait bien plus à l'aise. Elle a parlé des bains, et m'a donné un conseil sur celui où aller et celui où ne pas aller. J'ai donc réuni mes affaires, et je suis sortie.
Dans l'entrée, j'ai crié "JE SOOORS" comme on fait au Japon, mais comme il n'y avait pas de réponse, j'ai crié une seconde fois. Toujours pas de réponse... J'ai compris que je ne parlais pas assez fort. Les japonais hurlent carrément (en général ils crient "SUMIMASEN" (excusez-moi) pour appeler quelqu'un), alors j'ai pris mon courage à deux mains et j'ai crié une 3ème fois. Pas bien convaincant... Finalement, quelqu'un est venu. Elle m'a dit qu'elle allait me montrer le chemin, j'ai chaussé mes baskets, et je l'ai suivie. Par le chemin arrière caché du temple haha !! Elle m'a fait passer le petit portillon, m'a donné quelques indications, et m'a laissé.
Je me suis donc promenée, dans la nuit, dans les petites ruelles alentours du temple. J'avais un peu peur de me tromper, si bien que j'essayais de me souvenir exactement du chemin, mais du coup je me suis perdue, j'ai un peu tourné en rond, et j'ai fini par trouver les bains.
"Sento", comme on dit au Japon.
Ce sont des bains publics en fait. Un côté pour les hommes, un côté pour les femmes. Je suis rentrée, une japonaise d'une soixantaine d'année tenait les lieux et papotait avec deux autres femmes. J'ai pris mes quartiers, et je suis allée dans le bain, repensant à cette journée, et à ma présence.
J'ai savouré, en pleine présence, ces bains. Cette chaleur qui se dégageait... Je ne la connaîtrais plus pendant 8 jours. Plus d'eau chaude, plus de bain. La rivière sera mon amie... J'ai alors savouré, longtemps... Mais pas trop parce que je ne savais pas si c'était bien de rentrer trop tard au temple, et aussi parce que la chaleur me faisait suffoquer. J'ai essayé de méditer dans l'eau brûlante, mais j'ai dû m'arrêter tant il m'était impossible de respirer haha ! J'ai fais plusieurs passages dans le bain froid, alternant ainsi.
J'ai aussi eu une sorte de déception en moi. Et je fus déçue de cette pensée négative. Oui, je m'attendais, au temple, à vivre avec les moines, à vivre leur quotidien l'espace d'un instant ; je pensais faire zazen l'après-midi, puis zazen le matin avec eux à 6h, mais non pas de zazen prévu, pas de vie avec les moines, je ne sais même pas où ils étaient. Je me sentais, tout d'un coup, seule, et déçue. Et je me suis dit qu'il n'était pas bien de penser ainsi, car je n'avais rien à attendre, et que ce lieu était magique en lui-même. Je dormais dans un temple, rien que ça ne devait-il pas me suffire à être heureuse ? Si...
Sur cette pensée, je suis ressortie.
J'ai discuté avec la dame qui tenait les bains. Un lieu ancien, avec beaucoup de vécu. Elle aussi semble avoir beaucoup de vécu. Elle me semble courageuse, car aujourd'hui les gens venant chez elle sont peu nombreux. Tous ou presque ont un bain à disposition chez eux, et peu sont les touristes à venir (sauf, à de rares occasions, les touristes comme moi qui passent la nuit au temple). Malgré ça, elle garde le sourire et la joie de vivre. Après une longue et douce discussion, je lui ai demandé si elle savait où je pouvais trouver un Konbini (un magasin ouvert 24h/24 7j/7 où on trouve de tout), car j'aurais aimé manger avant d'aller me coucher. Un homme sortait des bains et allait partir, et il m'a proposé de m'y mener. Il était en scooter, super gentil il a roulé tout doucement à côté, jusqu'au Konbini, puis il a pris congé. Je me suis acheté une babiole que j'ai mangé sur le chemin du retour.
Je suis retournée dans ma chambre, en essayant de ne pas trop faire de bruit. La japonaise plus âgée (Ishii Keiko) était en train de lire son livre de voyage assise à la table, tandis que la jeune était dans son lit. Soudain, elle s'est mise à me parler, dans un japonais très rapide dont certaines choses étaient finalement incompréhensibles, mais dans l'ensemble je pouvais comprendre. On a parlé de plein de choses, et notamment d'une façon de prendre les photos et de regarder un jardin zen (y aller tôt le matin, sans personne, et ne pas se mettre devant, mais s'éloigner, et se mettre en retrait une tasse de thé à la main, et laisser opérer la "magie"... ^^), quand, soudain, elle s'est mise à me parler d'une certaine "chaleur" qu'elle ressentait dans ses mains lorsqu'elle les approchait d'une surface comme un rocher par exemple, qui était sacré. Mes yeux se sont alors mis à pétiller... La chaleur dans les mains, je connais bien ça, moi...
Quand je lui ai signifié que je comprenais ce qu'elle disait, j'ai vu son visage étonné, mais illuminé, souriant comme jamais. Elle était tellement surprise ! "J'en ai parlé à plusieurs japonais, et aucun ne comprenait ce que je disais ! Et toi, je t'en parle, et tu comprends ! C'est fou !", c'est ce qu'elle m'a dit. Se sentant ainsi comprise, elle s'est mise à parler, et ne jamais s'arrêter, m'évoquant ses sensations, ses ressentis, les lieux de fort pouvoir énergétique. Donc forcément, je lui ai parlé du Reiki que je faisais. Elle m'a aussi fait boire un peu de son Sake qui, selon elle, vient d'un lieu fort en énergie, et que l'on ressent en buvant. J'étais sur un petit nuage, une sensation indescriptible...
Ishii comprenait mes sensations, je comprenais ses sensations, nous étions de parfaites inconnues, mais nous savions...
J'ai savouré ces instants précieux et éphémères.
Je me suis sentie libre de m'exprimer. D'exprimer mes ressentis énergétiques. Et d'exprimer mes volontés de faire Zazen.
Ishii était aussi incroyable, si différente des autres. Elle parlait fort, semblait n'avoir peur de rien, elle semblait si différente des japonais d'habitude effacés qui parlent peu et qui n'expriment quasiment jamais leurs ressentis et leurs émotions. Elle était différente... Et je l'appréciais.
Finalement, Ishii a regardé sa montre, il était 21h, et nous nous sommes couchées.
Demain... Marquera le départ de ma randonnée.
Mais l'aventure a déjà commencé.
Lundi, la rencontre de mon amie française.
Mardi, la rencontre de mon ami japonais, et la rencontre de Ishii.
Le voyage a bien commencé...
Et enfin, je commence à comprendre pourquoi je suis là.
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