Kyôto - Tôfuku Ji ; Matsuri ; Takigi Nô
1er juin 2014
Depuis le temps que nous voulions y aller aussi, au fameux Tôfuku Ji. Un complexe de temple assez important situé entre le grand sanctuaire Fushimi Inari Taisha et la gare de Kyôto. En vélo, de là où on habite maintenant, c’est tellement rapide et facile d’y aller. Pour ce jour de grand beau temps avant que la saison des pluies ne commence, nous nous y sommes rendus de bon matin.
En chemin, nous avons trouvé un petit sanctuaire sympathique. Pas si petit d’ailleurs, et en fait il s’agissait de 2 sanctuaires l’un à côté de l’autre. Un petit arrêt, une petite visite. L’un d’eux a pour représentation un dragon. Le truc choquant de ce lieu, c’est qu’il était situé pile entre des immeubles. On parle de tradition et de modernité au Japon : en voilà le parfait exemple. Un sanctuaire magnifique, rendu très moche (à mon goût) par ces bâtiments tout autour, ce côté modernisé. On sent les années peser sur le sanctuaire, et la modernité le rattraper. Pas de shuin, visiblement aujourd’hui les prêtres sont de repos. Nous reprenons les vélos, direction le Tôfuku Ji.
Nous y voilà. Nous posons nos vélos, et marchons le long. De partout, des tas de petits temples. A droite, à gauche, des jardins, des tarifs indiqués, des portes, des noms de temples… Nous approchons finalement du grand temple. Et nous y pénétrons par une des portes. Le bâtiment central est très, très imposant. Le site est très grand, on ne sait trop où donner de la tête. Je pensais qu’il fallait payer en entrant, mais ce complexe est comme le Nanzen Ji : on rentre dans l’enceinte gratuitement, puis il faut payer pour tous les temples annexes, les jardins… Si l’on souhaite y entrer. C’est à la fois bien – car on a accès gratuitement à la grande partie – et nul car si vous payez pour tout, vous vous retrouvez avec une somme conséquente… Donc le bâtiment principal, immense. Pourtant, il ne me plaît pas plus. Quand c’est trop grand, faut croire que je fais un blocage, mais par exemple j’apprécie énormément le Nanzen Ji (surtout au coucher du soleil où les rayons du soleil couchant se reflètent dans les murs de son bâtiment principal), le Tôfuku Ji me laisse un peu de marbre.
Nous avançons. Il y a un guichet et tout le monde rentre. Je me renseigne : quoi ?! Il faut payer pour voir… un jardin de momiji… Oui. Uniquement un jardin d’érables. En plus, en juin les feuilles sont vertes, je ne dis pas que ce n’est pas beau, mais bon… D’ailleurs, le nom du jardin est le « Momiji Kôen ». Donc, bien sûr, on ne paye pas. On avance, et il y a un autre guichet dans un bâtiment plus loin. Alors ? Eh bien, un autre jardin ! Un jardin de pierres… un peu comme le Ryôan Ji. Wé… Ben, mes sous je les garde. Non, nous ne sommes pas entrés. Juste un shuin (cher comme pas possible) pour le souvenir, et puis basta.
Du coup, nous avons fait le tour du bâtiment, nous sommes allés observer son intérieur depuis les portes ouvertes, et nous sommes montés à un très beau sanctuaire un peu plus haut, dans le complexe principal du Tôfuku Ji (syncrétisme !). Et après cette petite balade, nous sommes ressortis, et du coup nous sommes entrés dans les jardins des temples annexes. Enfin, pas tous parce qu’ils sont quasiment tous payant. Seul l’un d’eux nous permettait d’entrer dans son tout petit jardin et dans la pièce intérieure mettant en avant Fudomyô. Nous allons chercher nos vélos.
Expérience loin d’être incroyable. Peut-être ais-je trop vu de temples et sanctuaires pour apprécier celui-ci. Sur le chemin du retour, nous nous sommes ensuite arrêtés au Shin Kumano Jinja. Les personnes me connaissant savent Ô combien j’apprécie la région de Kumano, et ses sanctuaires. Eh bien, s’il ne s’agit pas d’un sanctuaire de Kumano, c’en est un petit au cœur de Kyôto, et assez important. Voyez-vous, l’un des empereurs de l’époque a fait importer des arbres, du sable et autres produits de la nature de Kumano à Kyôto ; l’un de ces arbres, gigantesque, est entouré d’un Shimenawa, et il vous faut l’enlacer lorsque vous allez à sa rencontre. Le sanctuaire n’est pas si évident à trouver, mais quand vous voyez l’arbre, vous ne pouvez qu’être ébahit. De plus, l’intérieur est très beau. Un sanctuaire de Kumano version miniature disons. Une très belle découverte, et celui-ci se situe à à peine 5 minutes en vélo de chez nous !
Maintenant, nous allons rejoindre des amis pour une matsuri… Et oui ! Le jour d’avant, j’ai eu vent d’un évènement très important à Kyôto : Hôjôe (放生会) qui est une cérémonie où des animaux captifs sont relâchés. La cérémonie devait commencer à 11h et il s’agissait d’un lâcher de poissons rouges dans la petite rivière Shirakawa (une rivière qui longe de magnifiques rues dans Gion, rues où l’on peut notamment croiser des Geisha, et où l’on trouve des cerisiers aux grandes branches qui tombent par-dessus la rivière, une petite rue merveilleuse quel que soit le moment de l’année et encore plus lors de la floraison des cerisiers). Clou du spectacle : il s’agissait de Maiko qui allaient relâcher les poissons. Nous sommes arrivés un peu avant le lâcher de poissons qui avait lieu à 12h20. 2,000 poissons ont été relâchés.
En arrivant donc du monde attendait autour des lieux barrés par des cordes pour empêcher les gens de passer. Du monde, mais pas tant que ça finalement. Nous avons fait le tour. De nombreux moines et pèlerins étaient présents : les moines de Hiei Zan, et pèlerins de la secte Tendai certainement. Nous avons attendu, sous un soleil terrible, une chaleur monstrueuse. Une attente interminable. Puis l’excitation se faisait sentir. Nous nous sommes positionnés de manière stratégique, en attendant la venue des Maiko. La route a ensuite été barrée, tout le monde s’est regroupé, et les moines se sont activés. 2 maiko sont alors sorties du bâtiment en face de là où avait lieu la cérémonie, sous de magnifiques ombrelles rouges. Les appareils photos se sont levés, et les organisateurs nous ont sèchement demandé de baisser nos appareils : photos interdites, à part les professionnels. Dès qu’un appareil tentait de se lever, c’était la réprimande. Aucune photo donc, hélas. Elles ont traversé au cœur de la foule dans le chemin créé pour elles, et sont entrées dans la place interdite aux visiteurs.
(Il y avait un moine particulièrement classe mais je n'ai pas pu l'avoir, après cette photo je me suis faite réprimander !)
Une cérémonie a alors démarré, pendant au moins 20 – 30 minutes. Un moine a fait des récitations, d’autres participaient, debout. Tous étaient bien sûr sous une grande tonnelle bâchée, protégés du soleil. Mais nous, pauvres visiteurs, nous étions en plein soleil. C’était terrible, vraiment. Heureusement que les lingettes japonaises nous ont permis de nous rafraîchir un peu ! La cérémonie a semblé interminable, moi qui apprécie, je n’attendais qu’une chose : la fin ! Et enfin, celle-ci s’est terminée.
Les organisateurs ont alors pris de gros seaux en bois, ils ont mis les seaux dans le grand bac d’eau avec tous les poissons rouges et l’ont rempli d’eau et de poissons, et ont donné un seau à chaque maiko. Celles-ci se sont alors dirigées vers le petit pont, et ont relâché les poissons dans la rivière. Je vous avoue ne pas avoir vu grand-chose ! Bon… On pensait que cela était terminé. Les maiko sont rentrées dans le bâtiment. Fini.
Mais… mais… ? Les cordes ont été ouvertes, et les gens ont commencé à s’amasser à l’intérieur, faisant la queue. Nous avons suivi. Mais pourquoi ? Eh bien chers lecteurs… Chaque personne s’est vue offrir un seau avec des poissons, puis aller les relâcher dans la rivière ! Oui, tout le monde a été convié. Nous avons donc fait la queue, nous avons eu un seau (en bois comme les maiko, ou un seau basique bleu en plastique à cause de notre trop grand nombre, j’ai eu le plastique dommage !). Nous avons ensuite marché lentement le long du chemin vers le pont, trouvé une place sur celui-ci, et versé l’intégralité du seau dans la rivière, observant les tas de poissons rouges suivre le courant après leur liberté retrouvée… Une belle sensation pour moi, même si cela m’a fait du mal de les faire plonger de si haut ! J’ai eu 5 poissons, dont un bébé.
Un japonais, faisant partie de l’organisation, nous a expliqué qu’il ne fallait pas manger de poisson aujourd’hui, et si possible pas de viande non plus. Pas de chance… Nous sommes allés manger chez Paul après, et un sandwich au saumon m’attendait… Bon, ça, c’est fait ! …
Puis nous nous sommes dirigés vers la partie finale de notre journée : le sanctuaire Heian Jingu pour une importante représentation de Nô. Un événement annuel très important à Kyôto : le 65ème Takigi Nô. Cette année, la pièce commémorait le 680ème anniversaire de la naissance de Kanami (je ne connais pas) et le 650ème anniversaire de la naissance de Zeami (idem). La pièce avait lieu de 5h30 à 8h45, et les portes ouvraient à 4h30, il fallait y être un peu en avance car les sièges ne sont pas réservés et si l’on veut être bien placé, il ne faut pas faire partie des derniers à entrer.
Une fois placés, nous avons dû patienter sous le soleil. Heureusement, à 4h30 c’est moins dur, mais quand même. L’attente fut un peu longue. Puis, petit à petit, le soleil se couchait, la température baissait. Le sanctuaire en arrière plan rendait très bien, c’était très beau. Et enfin, tout a commencé.
- TAKASAGO
Une pièce de Nô réalisée par les maîtres de l’école de Nô Kanze.
Un prêtre Shintô venu du mont Aso, à Kyûshu, se rend à Takasago avec ses compagnons afin de voir les pins. En effet, ils ont eu vent des pins jumeaux Sumiyoshi et Takasago, contés par un vieil homme et une vieille femme. Ces pins seraient homme et femme, Sumiyoshi voyageant à travers la mer pour rejoindre sa femme Takasago. Le prêtre décrit son parcours à travers la mer pour aller leur rendre visite.
Mon avis => euh, j’ai pas mal dormi ! Je n’étais pas la seule (loin de là ! Des japonais aussi ont piqué du nez, coquins !). La scène fut très, très lente. Beaucoup de récitations que nous, étrangers, n’avons pas pu comprendre (pas un mot). Pas d’action. Beaucoup d’incompréhensions pour moi dans les personnages. J’ai bien aimé papi et mamie, mais bon j’ai toujours pas compris pourquoi papi avait une ratisse… Il faisait peut-être du jardinage… Haha ! Bref. Ca commence mal. Mais la fatigue et la chaleur n’ont pas aidé.
- Fire Lighting Ceremony et vœux du Maire
On se réveille ! La nuit tombe doucement, il est 6h30 (oui la pièce d’avant a duré 1h !), les prêtres allument les torches devant la scène de Nô et le maire vient faire ses vœux au public. Déjà plus compréhensif, et l’ambiance devient sympathique aussi. Je vois le maire de Kyôto pour la 2ème fois, puisque je l’avais vu à la cérémonie du Sumo. Quelqu’un qui tient aux valeurs traditionnelles de Kyôto visiblement, et c’en est appréciable. Après, c’est tout ce que je sais de lui.
- MATSUKAZE
Une pièce de Nô réalisée par les maîtres de l’école de Nô Kanze.
Un moine en pèlerinage décrit sa journée l’amenant à la baie de Suma (près de Kôbe). Il aperçoit un pin sur la plage. Il questionne un local qui lui apprend qu’il s’agit d’un mémorial pour les deux sœurs Matsuzake (le pin du vent) et Murasame (Passing showers comme ils ont traduit), qui furent aimées du poète Ariwara o Yukihira lorsqu’il fut en exil ici. Il prit pour leurs âmes, et à la fin de la journée décide d’aller demander l’auberge dans une cabane de stockage de sel. 2 femmes collectant le sel se montrent, mais Matsuzake la plus âgée refuse de faire entrer le moine ; finalement, après communication, elles le laisse entrer et lui révèlent qu’elles sont des fantômes toujours attachées au lieu où elles ont passé des jours d’amour. A la fin, les sœurs disparaissent et seul le son du vent dans les pins résonne.
Mon avis => c’était un peu plus intéressant. Mais bon… J’ai pas non plus hyper accroché. Je n’ai pas fermé l’œil.
- CHIGIRIKI
Une pièce de Nô réalisée par les maîtres de l’école de Kyôgen Okura.
En effet, il ne s’agit plus de Nô mais de Kyôgen, une personne qui détaille la vie d’un personnage dans un jeu, qui donne souvent lieu à une comédie, présenté entre des pièces de Nô.
Ici, des amis se réunissent pour une soirée poème, mais Taro n’est pas convié. Il prend connaissance de la soirée et y va, se plaignant de tout ce qu’il voit et s’avère être une nuisance. L’hôte le prend à part et lui explique clairement qu’il n’est pas désiré ici car il énerve tout le monde et ne peut même pas composer ses poèmes lui-même ; il lui propose cependant de revenir pour le repas plus tard. Mais Taro est encore plus en colère et il finit par se faire frapper par l’hôte et les invités qui le jettent dehors. Sa femme accourt lorsqu’elle apprend ce qu’il se passe et elle dit à Taro de prendre sa revanche. Il s’excuse afin d’éviter d’y retourner, mais elle s’énerve de plus en plus et lui dit que s’il n’y retourne pas, il n’a plus le droit de rentrer à la maison, qu’il est un homme et qu’il doit se venger. En insistant, Taro et sa femme y vont ensemble, mais il n’y a plus personne à la maison, mais tous deux se sentent mieux.
Mon avis => très très drôle ! On a pu comprendre quelques phrases, et le contexte aussi. En parlant le japonais ces petits quelque chose que l’on a compris nous ont permis de bien rire. Et malgré l’incompréhension parfois, la scène, beaucoup plus active que les pièces précédentes, nous a énormément fait rire. On a énormément apprécié.
- SHAKKYO The stone Bridge
Une pièce de Nô réalisée par les maîtres de l’école de Nô Kongo.
Une pièce de semi-Nô qui clôture avec brio la fin du spectacle.
Oe Sadamoto voyage de sanctuaires en temples en Inde et en Chine en tant que prêtre Jakuji Hoshi. Sur le Mont Shoryo en Chine, il se rapproche du pont de pierre recouvert de mousse qui permet de traverser un profond ravin. Il se repose, se préparant à traverser le pont, lorsqu’un jeune homme apparaît et lui dit que le pont, fabriqué par des mains de non mortel, ne peut être traversé par l’homme, même un prêtre de grande renommée. De l’autre côté du pont, se trouve le Paradis de Monju, le Bodhisattva en méditation et la sagesse suprême. Il conseille au prêtre d’attendre ici pour voir quelque chose de merveilleux. Plus tard alors, des lieux, les envoyés de Monju, apparaissent et dansent au cœur des pivoines, le « Rois des bêtes » et le « Roi des Fleurs ». La musique représente le son du tonnerre dans la vallée et les gouttes de rosée tombant sur les pivoines. Les lions font la Shishi Mai (danse du lion) entre les pivoines, la plateforme et le pont. A la fin, les lions retournent à leur place : Shishi Za (Le siège des lions).
Mon avis => Une fin pétillante, énorme, totalement folle. Le Nô lent et fatiguant disparaît dans la danse des lions qui dansent avec vigueur, le blanc et le rouge se complétant, sautant, nous laissant ébahis, roulant… La musique est superbe, on a vraiment l’impression que les gouttes de rosées se posent au sol à côté de nous, et on ressent une ambiance très particulière. J’ai adoré.
(Une idée de ce qu'on a vu, à partir de 1:20 la danse des lions en petites parties entrecoupées)
Et voilà ! Fin du Nô. Nous avons voulu aller prendre une canette, tous les distributeurs hors service ! Les gens se jetaient dehors pour se dépêcher et éviter la foule. Le temps est finalement passé assez vite après la première scène, et je suis très heureuse d’y avoir assisté. Cependant, je n’y retournerai pas, c’est sympathique mais… mais ! Une très belle expérience.
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